Anne Cheynet

Auteure, conteuse

Né le 23 août 1938 à Saint-Denis de La Réunion, elle passe son enfance dans les Hauts de l’île avant de partir pour des études de psychologie à Aix-en- Provence. De retour dans l’île en 1963, elle exerce d’abord comme professeur de lettres au collège, puis choisit de travailler dans le premier cycle. Elle s’investit dans la politique, voyage, enseigne à Madagascar, à Paris, puis revient à la Réunion où elle poursuit dans le préscolaire sa carrière professionnelle, qu’elle interrompt en 1986.

Son premier recueil de poésie Matanans et Langoutis (Presses REI, 1972) et son roman Les Muselés (Éd. L’Harmattan, 1977) la lancent dans le monde littéraire et la placent dans la lignée des écrivains engagés. Elle attend plus de quinze ans avant de publier un nouvel ouvrage mais s’intéresse à d’autres formes d’expression artistique, notamment le théâtre, la musique et la peinture.

En 1994, paraît Rivages Maouls, Histoires d’Annabelle, un récit autobiographique paru chez Océan Éditions. Un album pour la jeunesse, Petite source, doit paraître en 2014, aux Éditions Orphie.

http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/cheynet.html

« Couleurs de la Musique,
Palette de mots
Dis pour
Dis contre
Mais dis…
A longs traits
En sons magiques
En mots égrenés
En corps démesurés
Dis la couleur des pensées… »
(Ter tout’ koulèr)

« Mon enfance est une île. Au-delà de tout jeu de mots. Ile, dans ma langue intérieure, veut dire « seule ». Ilette solitude !… C’est le poète Alain Lorraine qui écrit cette expression. Elle me semble traduire parfaitement l’atmosphère dont fut imprégnée et dont m’imprégna ma prime jeunesse…

Nos terres étaient entre deux ravines. Je me souviens des jours, où le brouillard, s’étendant en larges nappes au-dessus de ces ravines, nous isolait du reste du monde. C’était immensément beau, immensément angoissant »… (Rivages Maouls)

Extrait

À vingt-six ans la belle Armande n’était toujours pas mariée. Ce n’étaient pourtant pas les amoureux qui lui manquaient. Malgré la vie sage, qu’elle menait dans ce coin solitaire, elle avait su se faire remarquer par plusieurs garçons, même par des garçons de la ville ! Mais ce n’était pas facile pour les jeunes gens d’exprimer leurs intentions : Papa se montrait extrêmement chatouilleux quand il était question de la vertu et de l’avenir de sa fille. Au moindre geste, au moindre regard, pour une parole qu’il jugeait inconvenante, il entrait dans des colères folles qui décourageaient toute nouvelle tentative d’approche, et les soupirants continuaient à soupirer… mais à bonne distance !
Nul en ce temps-là ne pouvait prétendre à fréquenter une jeune fille sans avoir demandé préalablement et par écrit l’assentiment de son père. Malheur à l’outrecuidant qui osait enfreindre les lois de la bienséance matrimoniale ! Témoin la triste aventure de Roland Leveneur. Ce jeune garde forestier, fraîchement arrivé à Saint-François, avait aperçu « Marraine » lors d’une tournée sur la propriété. Se serait-il échangé un furtif regard, un sourire de complicité ? Le fait est que, le dimanche suivant, vers trois heures de l’après-midi, quelqu’un cria au barreau. C’était Leveneur, vêtu non pas de son habit de forestier mais d’un élégant costume de tussor crème. Les cheveux bien lissés à la gomina, les joues fraîchement rasées, il attendait, une grosse gerbe de fleurs sur le bras… C’était bien louche tout ça !… Papa s’approcha de lui : « Bonjour Leveneur ! Quoça l’arrivé ?… Vi travaille le dimanche asteur ? »
Le visage du jeune homme s’empourpra. Il tremblait. Il bredouilla quelques phrases où il était question de « p’tit bouquet d’fleurs », de « respect », et de « Mamzelle Armande ». La moustache de Papa frémissait :
« Armann ! Armann !… Viens in coup ici va ! »
« Marraine », qui s’était cachée dans la case, arriva.
« Armann ! C’est ou qu’la dit à c’garçon-là viens la case ?
– Ben non papa!… Ma la pas dit a lu rien moi!
– Vous lé sûre ?
– Ben oui papa !… Mi connais pas moi ! »
Papa marcha alors sur le petit garde forestier et, le prenant par les épaules, lui fit faire un demi-tour. Le formidable coup de pied catapulta jusqu’au sentier Leveneur et ses fleurs. Nous ne les revîmes jamais.
Certains éléments masculins parvenaient toutefois à tromper la vigilance de Papa et à s’infiltrer jusque dans la maison. Il s’agissait en général des fils ou des frères d’amies de la famille.

Rivages Maouls, Histoires d’Annabelle, Océan Éditions, 1994

Maryvette Balcou

Auteure

« L’éclectisme est ce qui définit le mieux Maryvette Balcou. Outre le domaine fictionnel de la littérature qui la passionne, elle est maître de conférences à l’Université, chercheur, auteur dans le domaine scientifique et littéraire. Elle organise des ateliers d’écriture dans le monde entier, qu’elle concrétise souvent par la parution d’un ouvrage. Elle s’engage sur les chemins qui permettent d’étendre à tous l’accès au savoir, allant ainsi de l’écriture à la santé. Son travail de formation des malades chroniques est désormais valorisé et utilisé dans plusieurs pays d’Afrique et de l’Océan Indien.

Native de Bretagne, elle vit depuis de nombreuses années à La Réunion. Elle poursuit ainsi le voyage qui lui tient le plus à cœur : tisser des liens entre les hommes et explorer leurs différences. Mise au service d’une réalité souvent très dure pour aller plus loin ensemble et donner la possibilité de sortir dignement du prêt-à- penser, la fiction sans a priori pourrait définir l’œuvre littéraire de Maryvette Balcou et de manière générale, tous ses engagements citoyens. »

Texte de Sylvie Darreau, directrice des éditions « La Cheminante »

Les travaux littéraires de Maryvette Balcou sont publiés aux Éditions La Cheminante (Ciboure), Où sont les enfants ? (Arles), Océan Éditions (St-André, Ile de la Réunion), Epsilon Éditions (Ile de La Réunion) et aux Éditions Orphie (France et outre-mer).

www.maryvettebalcou.com
Blog personnel : http://maryvettebalcou.hautetfort.com

Extrait

Azzo, la baie que tu as choisie est pareille au sable de notre enfance. Il ruisselle sur les corps dorés des enfants et se faufile entre les brins de paille. Il se réfugie aussi dans les coins des yeux et sous les ongles, et dessine des rangées sombres au bout des doigts. Il accueille l’écriture des enfants à la sortie de l’école.

Près de l’eau, son humidité permet de fixer les traces. Les chiffres que les doigts dessinent, les additions posées entre les algues et les prénoms inscrits pour marquer l’existence. Le sable valse au gré du vent et le nombre infini de ses grains en fait le véritable maître de la presqu’île. Il est capable de dormir sous les pieds, mais il peut aussi se déchaîner, se révolter et se répandre au-delà des limites qui étaient les siennes jusqu’alors.

Il se glisse sous la mer et descend au plus profond, pour enfouir ses secrets. Il s’élève dans les airs jusqu’à former un nuage ocre, bien plus redoutable que le brouillard. Se loge aussi dans les serrures et empêche les portes de fermer. Envahit les trous d’aération, se pose sur les étagères, atterrit sur les tables, recouvre les assiettes et se mélange à la nourriture.

Azzo, j’entends le crissement des grains sous les dents, mais on dirait que tu ne réagis plus. Azzo, réponds-moi, regarde-moi ! Pourquoi me laisses-tu ainsi dans une terre boueuse alors que tu marches sur un sable couleur de crème ?

Le Raccommodeur de poussières, Editions La Cheminante

François Saint-Omer

Auteur, traducteur Un dalon la désot la vi

Né à Saint-Joseph et récemment disparu, il se distingue comme ardent défenseur des valeurs culturelles de la Réunion, et notamment de la pratique du créole, Titulaire de plusieurs diplômes de linguistique et de culture et langue régionales, il participe notamment en 1983 à l’élaboration du premier dictionnaire français-créole.

On lui doit par ailleurs la traduction en créole de la bande dessinée Astérix chez Shéhérazad”, sous le titre Astérix la kaz Razade. Il travaille aussi sur les problèmes de communication rencontrés entre malades créolophones et médecins francophones. Quelques années plus tard, grâce à l’arrivée d’Internet, il met en place le premier traducteur simultané français-créole, « en vatévyin ». Grand militant associatif, il s’investit dans la création et le fonctionnement de “Radio Zirondel” dans le Sud et au sein d’un “comité de vigilance et de diffusion du Drapo la Renyion”, un oriflamme à usage culturel créé dans les années 80.

http://auteurs.la-reunion-des-livres.re/?p=935

André Payet, dit Dédé Lansor

Fonkézér, musicien Un dalon la désot la vi

Né au Tampon en 1952 et trop tôt disparu l’an dernier. Après des études au lycée Roland Garros et un passage à l’INSA de Lyon-Villeurbanne, il intègre une formation d’instituteur. Militant culturel de tous les combats, notamment celui du groupe Flamboyants, formation au sein de laquelle débute un certain Danyel Waro, il travaille à la revalorisation et à la reconnaissance de la culture réunionnaise. Il participe notamment à la naissance de l’Ecriture 77, à la revivification du maloya, et la création de Radio Pikan.

Maloyeur, s’accompagnant de son inséparable bobre, il sort en 2009 le CD Si fo lévé enregistré avec son dalon Arsène Cataye. Fonnkézér, il publie deux recueils de poésies, Lansor (1990) et Tangol (2001). Il est aussi traducteur en langue créole (Lo ti Prins, Max sanm Timoris, Tintin péi Tibé…). Une vie militante qu’il a poursuivi jusqu’au bout au sein de l’association Ankraké.

Si fo lévé : https://www.youtube.com/watch?v=XnVT8S_khus

Extrait

Dann detour dë ŝömin té po bat-karé pti bonër la śans
Milië in karo kãne roz-mov an bouké flër
Si la branŝ in pié lila san fëy
Dë tourtrèl la‘vni pozé, koz-kozé.

Rant dë lãme la mèr té balié partèr koray
Milië in nīaz poison-ŝat
Dê poison lanz la’vni békoté
Ronn-roné, souk souké, kol-kolé pi largé.

Dann pti souf la briz té I kas lardër gro solèy i poik
Manir dë zézèr i zoué kaskoko
Pou bingñ dann zië énn-a-lòt
Dë papiyon la’vni ral dösik dann kalis’ kapisine.

Dann roflé solèy I röbonm travèr fëyaz boi d’koulër
Dann mēm gout dö-lo té i pandiy
Boutkë lö boi d’rin in fëy boi d’négrès
Dë zékli la limir la’fonn an mélanz koulër tizoli.

Lër galfin la’anrob la plènn dann so voil pti frèsër
Lodèr flër bibas la’souk parfin zakasia, épi
La’vol dèf srine lamour
Té anmaré dann në larkansièl par déyèr Piton Blë.

Déyèr dë vèr,dann ligñ-dö-vi dë min
Pti sömin gran sömin
Na dë kër té i aspèr
Déyèr kontoir in bar, dann dèstin dë vi
Pti sömin gran sömin,
Na in monmon la’vèrs’ lamour.

Pti sömin, gran sömin
Farfar liv kréol Editions Grand-Océan

Sudel Fuma

Historien, auteur Un dalon la désot la vi

Né à Saint-Pierre en 1952, il est Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de La Réunion et Directeur de la Chaire Unesco – La Réunion, spécialiste de l’esclavage à Bourbon.

Il est l’auteur d’ouvrages de référence, comme L’esclavagisme à La Réunion, 1794-1848 (Éd. L’Harmattan, 1992), Histoire d’un peuple, 1848-1900 (Éd. Du CHH, 1994), Un exemple d’impérialisme économique dans une colonie française au XIXe siècle : L’Île de

La Réunion et la société du Crédit Foncier Colonial, (Éd. L’Harmattan et l’Université de La Réunion, 2003) ou entre autres, La Diaspora Indienne dans l’Histoire des îles et pays de l’océan Indien ((Éd. Océan et Historun, 2010. Son nom est associé au mémorial de l’esclavage à la Grande Chaloupe, Il a également participé à la renaissance du moringue. Il coordonne le Kollecktif Lané Élie. Il disparaît, en juillet 2014, victime du naufrage de son embarcation de pêche.

Extrait

L’aventure de la canne à sucre commence au début de la colonisation de l’Île de La Réunion, appelée autrefois Île Bourbon, avec l’acclimatation des premiers plants de canne à sucre et l’utilisation du jus sucré de ce roseau pour la fabrication d’une boisson fermentée – le fangourin – très prisée des premiers habitants et des marins de passage. Toutefois, le règne de la canne à sucre débute véritablement au XIXe siècle après les guerres napoléoniennes, l’activité sucrière devenant l’élément moteur de l’économie réunionnaise. Pourtant la canne à sucre a connu des débuts difficiles et des périodes de doute.

La concurrence de la betterave à sucre, le manque de ressources financières, les cyclones et les maladies végétales ont longtemps fragilisé l’économie de la plantation. Fondamentalement, la canne à sucre à La Réunion a souffert de sa condition de culture coloniale, du manque de main-d’œuvre au XIXe siècle et des problèmes liés à l’insularité, à l’éloignement de la Métropole, unique débouché pour une économie dépendante de son centre de décision et du marché sucrier. Toutefois, elle a surmonté toutes les difficultés de l’histoire coloniale et post-coloniale grâce aux hommes qui l’ont cultivée ou ont extrait son sucre.

Histoire d’une passion, le sucre de canne à La Réunion, Océan Éditions

Arnaud Carpooran

Linguiste, spécialiste des langues créoles

Maître de conférence à l’Université de Maurice, Arnaud Carpooran est l’auteur d’ouvrages tels que Le fait créole à Maurice. En 2005, il a entamé la publication d’un Diksioner morisien (le premier dictionnaire du créole mauricien) en plusieurs volumes aux éditions Barthol

Mauricien de naissance, le Professeur Arnaud Carpooran détient une licence et une maîtrise de lettres modernes de l’Université de la Réunion. Il a ensuite fait un DEA à l’Université d’Aix en Provence et détient un doctorat en sciences du langage de cette même université depuis 2000.

Sociolinguiste de formation et auteur de l’ouvrage : Ile Maurice : des langues et des lois, publié chez L’Harmattan en 2002 dans la collection Langue et développement, Arnaud Carpooran est surtout connu pour son dictionnaire créole unilingue (le premier du genre) intitulé Diksioner Morisien.
Si la première édition en version intégrale de celui-ci date de 2009 (la deuxième édition a été publiée aux Editions du Printemps en 2011), le prototype par contre a été conçu en 2004-2005 à l’Université de la Réunion dans le cadre d’une bourse postdoctorale dont avait alors bénéficié l’auteur.

Enseignant-chercheur en (socio-)linguistique à l’Université de Maurice depuis 1993, Arnaud Carpooran est également connu pour avoir lancé les études créoles (longtemps considérées comme tabou à Maurice) comme filière d’enseignement universitaire.

Titulaire d’une chaire en French and Creole Studies depuis 2014, il occupe le poste de Doyen de la Faculté des sciences sociales et humaines de l’Université de Maurice depuis juillet 2017.

Julienne SALVAT

Poète et auteur

Née à la Martinique et résidant à l’île de la Réunion, elle mène de front sa carrière de professeur de Lettres, des activités de théâtre et d’animation culturelle. Elle est membre de la SDGL, de l’ADELF et la Société des Poètes Français.

Poète et auteur de fictions romanesques, elle est publiée aussi dans diverses revues et des recueils collectifs notamment aux Éditions UDIR. Depuis ses premiers écrits poétiques, comme Tessons enflammés (1993, Éd. Udir), Chants de veille (1998, Éd. Udir) ou son roman La lettre d’Avignon (2000, Éd. Ibis Rouge), d’autres titres sont parus, notamment des nouvelles, avec le recueil Camille (2007, Éd. Ibis Rouge) et plus récemment des poèmes, Jeux Lémuriens (2012 Éd. Le Chasseur Abstrait).

http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/salvat.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Julienne_Salvat
http://www.ibisrouge.com/auteur.php?id=95

Extrait

Man pran shalè an douvanjou dan bra mwen Piès fétio shato poko té ka brenen an nyet
Tout dlo té mo
Lombraj poko té kité pak yo an ba shimen bwa-a
Lè man mashé man lévé tout lespirasyon sa té ka viv sa té tyèd
Krizokal rouvè zyè yo zèl koumansé bat san fè dézod
Prèmyé zafè : lè man pasé dan yon tras té ja ni an lo limyè fré fré
blèm blèm an flè nomen non-y ba mwen
Man ri ba an kaskad tout shivé-y pran la vol an mitan an bwa filao fini
man té ja fini rikonèt la dyablès-la ka dépann an lè tèt an arjan sé pié
bwa-a
Alor man rédi tout sé vwal li-a yon apré lot
Man soukwé dé bra mwen an lè-y dan lalé-a man krié-y ba kok-la an
savan-an
Lè man rivé an vil y shapé kouri ka fè zwèl an mitan tout tèt pwent closhé
tout fétaj batiman ron.
Pa bo carénaj man bat shimen tou patou dèyiè-y ka mandé-y tan pri sou
plé kon an boug an bétiz
Lè nou rivé an lè mone-an pa koté ti bwa loryé-a man an ni maré tout patché vwal la assou koy
Man santi koy ti tak ko ta la té gran tou bannman…
Douvan jou tombé an ba bwa-a épi ti manmay-la
Lè tout zyé rouvè i té ja midi.

Douvan jou*
* Aube, Arthur Rimbaud.
Traduit en créole martiniquais, à paraître dans un prochain recueil.

Lambert- Felix Prudent

Ecrivain

Née en 1944 à La Réunion, j’ai toujours admiré un de mes oncles qui jouait de la banjoline et écrivait des poèmes dont je ne saisissais pas toujours le sens mais dont j’aimais la musique.

Des années plus tard, après sa mort, j’ai eu entre les mains un de ses recueils de poésies amoureuses. Dans l’introduction de ce recueil, il disait : “Je rêve d’un foyer qui me donnerait toute la liberté nécessaire me permettant de conter, étape par étape, l’histoire de ma vie de famille avec des poésies simples, courtes mais bien senties’’.

Hélas cet oncle n’a jamais eu d’enfant, mais ses paroles sont restées dans mon cœur. Je me suis juré d’écrire moi aussi des poèmes pour y dire mes amours, ma vie de famille… ma vie tout court, avec ses colères, ses douleurs, ses doutes, ses joies au fil des jours…Puis je me suis essayée à la nouvelle et à mes propres illustrations pour donner plus de couleurs encore à mes écritures. Et de mots en mots, j’ai eu l’idée d’écrire des contes par le biais de l’Association Laféladi que je préside et qui consacre une bonne partie de sa création littéraire à la Jeunesse.

Daniel Lauret

Poète, romancier, essayiste

Né à la Guadeloupe, Il est l’auteur entre autres de trois romans : L’Isolé soleil (1981), Soufrières (1987), et L’Île et une nuit(1996), publiés aux Éditions du Seuil, d’un récit autobiographique: Tu, c’est l’enfance, (Éd.Gallimard, 2004. Grand prix Maurice Genevoix de l’Académie Française), d’un essai : Les fruits du cyclone, une géopolitique de la Caraïbe (Éd.du Seuil.2007), ainsi qu’un recueil de poèmes : L’Invention des Désirades, (Seuil. collection Points- poésie, 2009) “L’écriture poétique est à l’origine de toute ma création littéraire, y compris dans les romans, par le souci de privilégier la musique et les rythmes qui dans notre Caraïbe, associent les mots du poème à la danse et au chant.

La poésie comme parole due, architecture de racines et de feuilles envolées, jusqu’à la chute solaire du fruit de création.
 Mon identité culturelle n’est pas légitimée par un terroir ancestral, une pureté originelle, ni par une langue ou une culture dominantes, mais par le fait d’assumer les dépossessions originelles et le partage des altérités réunies, quelles qu’en soient les contraintes imposées ou choisies. 
L’identité ce ne sont pas les racines qui l’expriment, car l’identité c’est un fruit.

Je m’attache à dépeindre la genèse des nouveaux mondes, sans ici ni là-bas, avec l’exil et le naufrage au départ des sentiers. Quatre continents pour édifier une Caraïbe : fagot d’échardes et de rayons enflammé d’un espoir nouveau. Un métissage d’humanités, offrant fraternellement au monde toutes ses re-créations, échappées aux frontières des couleurs, des papiers et des langues

EXTRAIT

Tu deviens un fruit assez mûr pour accueillir. Prends possession de ta découverte et accepte, accepte tout ton être avec ses noyaux (surtout ses noyaux : ce sont les cailloux de ton chemin), sa chair, sa peau, sa couleur, sa parole.

Adhère, oui, à tes racines de fidélité, tes feuilles de liberté, tes fleurs d’imagination. Surtout n’oublie pas dans l’eau les reflets de l’enfance. Préserve à tout âge d’abord la vertu d’enfance, celle qui fait les renaissances adultes, qui empêche de feindre le rire et les larmes, mais qui laisse rire et pleurer, qui fait de l’amour un jeu d’enfants, un épisode à suivre, une danse sous-marine, un déluge de secrets, une embellie de confidences.

Accepte, accepte tout ce que tu peux de ton trésor. Ensuite, donne-le. Plus tu donnes, plus tu es. Prends exemple sur l’eau, et donne en pointillé comme la pluie, en pudeur comme la source, en vrac comme la mer. Il y a mille manières d’avancer souterraine ou de déferler, de pleuvoir sucré-salé, de pleurer joies et peines, de saigner, d’uriner, de couler tiède de sperme, de sueur, de salive ou de lait. Calcule tes forces et fais confiance à ta fragilité. Chaque vague touche au destin d’une autre… L’Isolé soleil, roman, Editions du Seuil

L’Isolé soleil, roman, Editions du Seuil

Max Rippon

Ecrivain

Née en 1944 à La Réunion, j’ai toujours admiré un de mes oncles qui jouait de la banjoline et écrivait des poèmes dont je ne saisissais pas toujours le sens mais dont j’aimais la musique.

Des années plus tard, après sa mort, j’ai eu entre les mains un de ses recueils de poésies amoureuses. Dans l’introduction de ce recueil, il disait : “Je rêve d’un foyer qui me donnerait toute la liberté nécessaire me permettant de conter, étape par étape, l’histoire de ma vie de famille avec des poésies simples, courtes mais bien senties’’.

Hélas cet oncle n’a jamais eu d’enfant, mais ses paroles sont restées dans mon cœur. Je me suis juré d’écrire moi aussi des poèmes pour y dire mes amours, ma vie de famille… ma vie tout court, avec ses colères, ses douleurs, ses doutes, ses joies au fil des jours…Puis je me suis essayée à la nouvelle et à mes propres illustrations pour donner plus de couleurs encore à mes écritures.

Et de mots en mots, j’ai eu l’idée d’écrire des contes par le biais de l’Association Laféladi que je préside et qui consacre une bonne partie de sa création littéraire à la Jeunesse.