Sylviane Vayaboury

Auteure

Elle est née à Cayenne en 1960. Son parcours jalonné de ruptures et de chocs sur le chemin triangulaire Antilles-Guyane-France lui inspire un premier roman à résonance autobiographique, Rue Lallouette prolongée, paru aux Editions L’Harmattan (juin 2006).

En 2010, elle écrit La Crique paru chez le même éditeur, un roman sur l’interculturalité et l’exclusion qui nous immerge dans un quartier emblématique de Cayenne. Elle est également co-auteure de l’anthologie de Nouvelles Brèves de savane publiée chez Ibis Rouge en 2011.

Littéraire de formation, elle enseigne actuellement en milieu spécialisé auprès d’élèves porteurs de handicap tout en poursuivant son engagement littéraire, dont l’enfance, ses ruptures, ses interrogations dessinent la trame inexorable.

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EXTRAIT

Le quartier déshérité avait montré l’ampleur de ses ambitions. Il n’avait pu se contenter de ce canal Laussat lui bouchant la vue sur l’autre rive plus cossue, plus droite, arrogante avec encore ses superbes maisons créoles dont les fastes rappelaient les époques de gloire aurifère. Il lui avait fallu se poser sur un autre traversin naturel, tout aussi humide, à l’abri des moucou moucous, le canal.

Leblond rive maternante où il pouvait se déployer, contempler à visage découvert, la rivière de Cayenne qui gardait encore enfouis en son sein, dans le soutien-gorge naturel des rhizophoras rouges, le bac échoué du débarcadère du Larivot et des bateaux crevettiers. Sur l’autre sein, il avait pu se lover, dans une ultime tentative de captage des derniers watts, vestiges électrocutés de l’ancienne usine électrique de la digue de Ronjon.

Le quartier déshérité avait d’abord abrité ses populations autochtones, communautés populaires créolophones, anglophones, lé san anyien, gueules cassées routards échoués. Ses neg rot bò krik, djoubeurs, machann poson pêcheurs de la côte. Puis avait étalé avec insolence, défiance, force provocation son nouvel échantillon, patchwork de populations portées par les vents du marasme économique, des laissés-pour-compte d’ Haïti, de la République Dominicaine, du Guyana et de son imposant voisin brésilien.

Dans un premier élan, il les avait accueillies en son sein asile loin de leurs régions agitées. Elles étaient ainsi venus s’allaiter goulûment jusqu’à un âge avancé où la mère quartier les jugeant autonomes, mâtures, prêtes à voler de leurs propres ailes les avait brassées, shakées, recyclées dans ses rues.

La crique, L’Harmattan, collection Lettres des Caraïbes