Gerty Dambury

Auteure

Gerty Dambury est née à Pointe-à-Pitre, en 1957. Elle est à la fois dramaturge, nouvelliste, poétesse et romancière, comédienne et metteuse en scène. Elle commence à écrire pour la scène et créer des pièces en français, en créole ou bilingues en 1981 Elle a été soutenue par Le Centre National du Livre (CNL) pour trois résidences d’écriture : à Limoges (1992) à l’invitation du Festival des Francophonies et à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignons, au Centre National des Écritures du Spectacle où lui a été confiée la responsabilité du numéro 12 de la revue Les Cahiers de Prospero . (2000 – 2001) et à Orford (Québec) pour une résidence d’écriture, à l’invitation du Centre des Auteurs Dramatiques du Québec (CEAD.. En 2008, sa pièce Trames , reçoit le prix SACD de la Dramaturgie de langue française. Son premier roman, Les rétifs , est paru en octobre 2012 aux Éditions du Manguier et nominé pour le prix Carbet 2013.

En 2012, Gerty Dambury a initié un concept théâtral, Le Séna , qui rassemble comédiens et spectateurs, dans une très grande proximité et repose sur l’échange entre les participants, à partir de textes de la littérature caribéenne, en français, en anglais, en espagnol et en créole.

En 2013, le Rectorat de la Guadeloupe l’a désignée “poète de l’année”, permettant ainsi à ses textes d’être lus dans les écoles primaires, collèges et lycées de la Guadeloupe.

En janvier 2016 paraît une deuxième version améliorée de son roman La Sérénade à Poinsettia, sorti aux éditions du Manguier 3 mois plus tôt (octobre 2015).

Le 22 janvier 2016, Gerty Dambury a reçu le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde pour son ouvrage « Le rêve de William Alexander Brown ».

Elle prépare actuellement un recueil de poèmes qui s’intitulera La table anthropophage et commence la production de sa nouvelle pièce La radio des bonnes nouvelles.

Jeux de pouvoir

Lorsque j’étais enfant, je m’asseyais sur un petit banc que je posais sur le trottoir, devant la maison de mes parents, et je ­regardais passer le pouvoir. Il circulait dans les premières voitures climatisées aux ­vitres teintées, mais je n’avais pas besoin de le voir pour savoir qu’il était blanc et qu’il portait une chemise d’un blanc immaculé, qu’il avait le cou étranglé par une cravate longue et fine, bleue, sous un costume également bleu. Bleu nuit.

Le pouvoir avait une si haute conception de lui même qu’il se tenait éloigné de nous et passait son chemin sans prêter attention à ceux qui le regardaient passer, à ceux qui s’écartaient de sa route, tantôt avec prudence, souvent avec obséquiosité. Moi, dans ma rêverie, je parvenais à le faire sortir de son char magique et j’entretenais de longues conversations avec lui. Il m’écoutait, me souriait et se moquait gentiment de moi lorsque je lui posais des questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Je ne me rappelle plus très bien quand nous avons commencé, lui et moi, à avoir cette étrange relation au coucher du soleil.

Dans mes souvenirs, nos rencontres se déroulaient toujours au moment où la chaleur tombait, où un silence particulier se ­révélait à moi sous les bruits de la ville qui se poursuivaient obstinément : voix d’enfants qui se chamaillaient en rentrant avant que la nuit ne tombe, cris des mères alpaguant les retardataires, bavardage des ­voisines sur le pas des portes et qu’avaient elles encore à se dire quand elles avaient passé la journée à se héler d’une porte à l’autre, ultimes agitations dans les boutiques l’un buvait un dernier coup de rhum tandis qu’un autre réparait rapidement un oubli et ronflement des moteurs de voiture, déjà trop nombreuses pour les rues étroites de la ville.


Jé bésé a lèpouvwa

Lèwvwè ou vwè an té timoun, an té ka sizé asi on tiban si totwa la douvan kaz a fanmi an mwen é an té ka gadé ­Lèpouvwa pasé. I té ka woulé adan sé prèmyé loto klimatizé a vit tenté la, mé an pa té oblijé vwè y an dé zyé an mwen pou té savé sé té on Blan ad’on chimiz blan ka vèglé tèlman i té san tach é an lavalyè blé, long kon kou a kyo, étwèt kon lang a vètè ki té ka tranglé gangannèt a y anba on konplé blé li osi.

On koulè blé nuit.Lèpouvwa té ka akwè y sitèlman, kifè i pa té ka pyété owa an nou. I té ka pasé chimen a y san lévé pon lésèz ki té ka gadé alévini ay digad, ni lézòt ki, tanto plen pokosyon, souvaman épi on jan chyen kouchan, té ka ba y gran lè pou i té pasé. Mwen, adan rèv an mwen, an té ka rivé fè y sòti an kawòs majik a y é an té ka rantré an gran konvèwsasyon épi y. I té ka kouté mwen, té ka fè on tiri ban mwen é i té ka moké mwen ­jantiman lèwvwè ou vwè an té ka pozé y kyèk kèksyon i pa té vlé réponn. An pa pli ka chonjé a ki moman mwen épi y nou té koumansé rantré adan dwòl dè liyannaj a labadijou lasa.

Silon sa an ka chonjé, sé toujou lèwvwè ou vwè chalè la té ka tonbé, kontré an nou té ka si balan, lèwvwè on silans èspésyal té ka pwenté anba tout on kalvakad wòs é antété a villa ki pa té ni sès : vwa a timoun ki trapé tren si chimen rètou avan lannuit tonbé, wouklaj a manman an dengon a lésèz yo té ponnyé ka kalanjé, langannaj a vwazin si sèy a pòté kibiten ankò yo té ni pou rakonté alòski yo té pasé tout lasentjouné, yonn ka hélé lòt, pòt an pòt, dènyé bakoulélé an tilolo, yonn ka balansé on dènyé vatankouché dèyè gòj a y, atoupannan ondòt té ka sové on achté obliyé vitmanpréséé, adan tousa, wonflé a motè a loto ki té ja two onkyolé pou tilari étwèt a villa. “La Jamaïque est mon Afrique” ( Les éditions du Manguier )